Le Python de Lionel-Groulx

J’étais sur le point d’entrer dans le métro Lionel-Groulx à Montréal, mais le soleil brillait, et je n’avais pas eu assez de ses rayons sur ma peau ce printemps; même les arbres étaient retardés, n’ayant pas encore eu l’occasion d’ouvrir leurs feuilles au complet. Il y avait deux bancs près de l’entrée, l’un à moitié effondré – j’ai donc choisi l’autre. Un homme était assis dessus, qui s’est déplacé vers l’autre extrémité du banc lorsque j’y pris ma place. Une fois installé, je le regardai, rempli de curiosité: il avait un grand python enroulé autour de son cou, et je ne pouvais pas juger tout de suite si le python lui pinçait ou non le cou.

N’étant pas sûr que c’était bien un python (j’aurais reconnu un boa), je lui dit, “De quelle espèce est-il ?”

“C’est un python.”

Et il commença d’essayer laborieusement de le détacher d’autour de son cou.

Mais le python était très confortable dans le soleil, dont il avait été privé de rayons, lui aussi, depuis longtemps, et les épaules de son maître lui convenaient très bien, comme perche. Il ne lui serrait pas le cou, mais il ne voulait pas non plus s’en faire détacher.

Alors débuta une conversation entre les deux humains, pendant laquelle le “maître” fit plusieurs efforts pour détacher le serpent. Finalement, il me dit, “Est-ce que ceci est sa queue ?” en m’indiquant une portion mince de l’anatomie formidable du reptile, qu’il ne pouvait pas voir.

“Non, c’est plutôt sa tête.”

Alors il fit un plus grand effort pour détacher son compagnon, qui finalement le laissa faire, et il me l’offrit, pour le tenir sur mes genoux.

“Il est gentil pourvu que vous le traitiez gentiment.”

Je constatai que cette bête était plus large, au milieu de sa longueur considérable, que mes bras aux biceps, et il aurait pû me casser le cou en une seconde s’il avait voulu. Les muscles de cette espèce de créature sont réputés pour leur grande force.

Mais sa peau était une des plus belles choses que j’aie jamais vue, et j’acceptai la gentille offre de ce monsieur qui m’était inconnu, juste pour pouvoir toucher cette peau miraculeusement glissante, et magnifiquement colorée.

“Quelle est la fréquence de ses repas ?” demandai-je, pour m’assurer que le serpent n’avait pas trop faim.

“Une fois par mois.”

“Un rat ? Des souris ?”

“Un seul rat. Je lui en ai donné un hier. Je l’ai acheté congelé !”

“Et il l’a mangé, déja mort ?”

“Oui.”

J’ai continué de caresser cette magnifique créature pour un certain temps. Puis je devais partir, et je tendis le python à son maître, qui à son tour, le mit délicatement sur ses genoux.

©Derek Paul le 10 mai 2016, suivi de révisions mineures